Le Théâtre du 3e décor présentait, les 6 et 7 avril derniers, la pièce Last Call mise en scène par l’enseignante Ariane Tremblay. Destinée à un public averti, cette œuvre-choc de Francis Sasseville prenait son envol pour deux soirs seulement au Théâtre de poche. Mme Tremblay est parvenue, une fois de plus, à sélectionner une œuvre qui frappe le collectif. La pièce Last Call est très en phase avec le « hashtag » #moiaussi, le mot-clic de 2017. L’adaptation jouée par la troupe étudiante fut un vif succès!

Oreilles sensibles s’abstenir

Portrait d’une société en mutation, encore bouleversée par les scandales des Gilbert Rozon et Éric Salvail de ce monde, la pièce illustre sous plusieurs aspects le ras-le-bol des étiquettes collées sur les gens. Présentée en quatorze segments de différentes longueurs, Last Call est tantôt comique, tantôt dramatique ou quelque part entre les deux. Les vignettes ont en commun d’être d’une vérité criante. Il n’y a rien d’étonnant puisque ce n’est pas en chuchotant que #moiaussi a dénoncé les agressions. Le texte de la pièce n’a pas peur d’utiliser de gros mots ou des expressions qui frappent… un circuit dans certains cas. Le ton est cru, agressif par moments, mais jamais inutile ou superflu.

Une gamme d’émotions vécues dans la salle et sur scène

À quelques reprises le public a semblé surpris par certains mots, mais les « oh! » et les « ah! » n’étaient pas rares, car si la vérité peut choquer, elle possède également le pouvoir de soulager. À plusieurs moments durant la pièce, les gens ont applaudi et manifesté leurs émotions par des soupirs de désespoir ou de bonheur. Plusieurs thèmes ont été évoqués durant les segments, dont quelques-uns se rapportent au fameux #moiaussi. L’image corporelle (Me trouves-tu grosse?), le suicide, la jalousie, le jugement des autres et quelques sujets plus légers ont été abordés.

Le jeu talentueux des acteurs a su créer certains instants de malaise dans la salle, notamment lors du segment où un couple magasine des vêtements et que la jeune femme demande à son conjoint si elle a l’air grosse dans son pantalon. La scène est crédible et on se reconnaît dans ce scénario – plutôt dangereux pour les messieurs – qui illustre bien le jugement que les gens portent sur les autres. Il faut changer les perceptions, c’est du moins ce que semblaient en retenir certains spectateurs, et avec raison.

Le public a également vibré pour la scène traitant du suicide, où un livreur tente d’entrer dans un appartement pour y livrer une pizza, non commandée par la cliente. Il essaie de lancer son cri de désespoir jusqu’à la toute fin en disant « si tu me laisses entrer quinze minutes, ça peut sauver une vie! ». Les suppositions allaient bon train, allait-il tuer la cliente? Les spectateurs furent plutôt horrifiés de constater que le livreur allait s’enlever la vie à la suite de son échec à trouver une oreille empathique. À l’ère où le suicide fait beaucoup trop de victimes, ce segment rappelle l’importance d’écouter les gens et de porter attention aux autres.

Soulignons également le décor-concept de bar où plusieurs segments se sont déroulés. Tour à tour, seuls ou en groupes, les acteurs ont eu une courte séquence sur les planches pour dénoncer les jugements que la société porte sur chacun d’eux. Un moment inoubliable, sous concept de voix intérieure, où les filles ont été sans pitié les unes envers les autres en se traitant des pires insultes. Il en va de même pour les garçons, qui ne s’en sont pas mieux tiré.

Oui, cette pièce choque et c’est tant mieux! Last Call reflète la nécessité de changement qui traverse actuellement notre société. Avec une pièce de ce calibre, les acteurs auront eu la chance de se frotter à une œuvre dérangeante et inspirante.

Bravo à la distribution, qui année après année, réussit à surprendre les spectateurs, à Ariane Tremblay pour la qualité de ses mises en scène et à toute l’équipe derrière ce succès!