Dans le domaine de l’éducation spécialisée, chaque personne est un univers unique, avec ses propres défis et ses propres forces. Pour mieux les accompagner et les guider vers leur plein potentiel, il faut des intervenantes et intervenants bien formés, capables de comprendre les réalités complexes du terrain et d’agir avec sensibilité et expertise. Mais comment préparer ces futures et futurs travailleurs à un monde qui ne se limite pas aux manuels scolaires? C’est là qu’intervient la réalité virtuelle, une innovation pédagogique qui ouvre de nouvelles perspectives d’apprentissage.

Un besoin d’authenticité et d’immersion

Ève-Marie Bouchard et Justine Benoît, enseignantes en Techniques d’éducation spécialisée au Cégep de Granby et initiatrices du projet, l’ont bien compris. « On voulait proposer des expériences immersives et stimulantes, pour que les étudiants vivent des situations réalistes et apprennent à les gérer », expliquent-elles.

« On pensait à des compétences qui sont difficiles à travailler dans un contexte de classe », ajoute Ève-Marie. « Des histoires de cas sur papier, des extraits de films, ça ne va jamais chercher le plein potentiel d’une situation réelle. La réalité virtuelle nous permet de vraiment immerger l’étudiant dans un contexte interactif et authentique. »

Des capsules virtuelles pour un apprentissage multidimensionnel

Le projet se concrétise par la création de capsules de réalité virtuelle, chacune dédiée à une compétence spécifique. « On a réalisé quatre différentes capsules qui touchent des compétences variées », explique Justine.

La première capsule, conçue pour les étudiantes et étudiants en début de formation, se déroule dans un appartement supervisé. L’étudiante ou l’étudiant, muni d’un casque de réalité virtuelle, se retrouve en situation d’observation d’une jeune adulte ayant une déficience intellectuelle. Elle ou il doit identifier les indices de son niveau d’autonomie et prendre des décisions en fonction de ce qu’elle ou qu’il observe.

« C’est comme si l’étudiant était vraiment là, sur place », raconte Ève-Marie. « Il doit se tourner, choisir quelle porte ouvrir, observer l’environnement, prendre des notes. L’interaction est constante et il doit tenir compte de tous les détails. »

Les autres capsules, développées en partenariat avec des institutions locales comme la Maison des familles de Granby, le volet primaire du Collège du Mont-Sacré-Cœur et le CIUSSS de l’Estrie-CHUS, proposent des scénarios immersifs dans des milieux variés. On retrouve ainsi des situations dans une classe d’école primaire, un CHSLD et un centre de répit familial.

Dépasser les limites de la simulation traditionnelle

L’utilisation de la réalité virtuelle offre plusieurs avantages par rapport aux simulations traditionnelles. « Dans un cours classique, on peut demander à deux étudiants de simuler une crise, mais ça reste une simulation », souligne Justine. « Avec la réalité virtuelle, on peut créer des situations authentiques, avec des acteurs professionnels, un environnement réaliste, et des interactions complexes. »

« On est vraiment dans le vif du sujet », ajoute Justine. « Les étudiants doivent gérer des situations délicates, comme un conflit avec une professeure, une rencontre avec un parent en colère, ou une situation d’urgence dans un CHSLD. C’est une expérience enrichissante qui les prépare aux défis de leur future profession. »

Un engagement pédagogique et un travail d’équipe remarquable

Le projet a exigé un engagement remarquable de la part des deux enseignantes. Elles se sont impliquées dans toutes les étapes du processus, de la conception des scénarios à la réalisation des capsules, en passant par le montage et l’intégration du matériel pédagogique.

« C’est un travail d’équipe intense et stimulant », confie Ève-Marie. « On se complète bien et on a beaucoup de plaisir à travailler ensemble. On est passionnées par notre métier et on est fières de pouvoir offrir aux étudiants des outils pédagogiques innovants. »

Une humanité au cœur du projet

Ce qui rend ce projet original, c’est l’attention particulière portée à la dimension humaine. L’équipe s’est donné pour mission de créer des expériences immersives et réalistes, mais aussi touchantes et émotionnellement intelligentes.

« On voulait que les étudiants ressentent l’impact de leurs décisions, qu’ils puissent se mettre à la place des personnes qu’ils accompagnent », explique Justine. « Il ne s’agit pas seulement d’apprendre des techniques, mais aussi de développer une empathie profonde pour les personnes en difficulté. »

Des résultats et un avenir prometteur

Les premières expérimentations auprès des étudiantes et étudiants ont été très positives. Les retours sont encourageants et montrent que la réalité virtuelle est un outil d’apprentissage efficace et apprécié.

« Les étudiants aiment l’expérience immersive et trouvent que ça leur permet de mieux comprendre les réalités du terrain. C’est un outil qui les prépare réellement à leur future profession. »

Le projet est appelé à se poursuivre et à s’enrichir. De nouvelles capsules sont déjà en développement, et les enseignantes envisagent d’explorer de nouvelles possibilités pour maximiser l’impact de la réalité virtuelle dans la formation des intervenants en éducation spécialisée.

Le projet témoigne de la volonté de l’équipe enseignante de les préparer au mieux à une profession complexe et exigeante. En combinant l’immersion, l’interactivité et l’authenticité, la réalité virtuelle ouvre de nouvelles perspectives pour l’apprentissage et la formation des futures et futurs intervenants en Éducation spécialisée.