Pour une troisième année consécutive, l’activité Une nuit en prison s’est tenue dans les murs de la Prison de Trois-Rivières. L’ancien établissement carcéral est maintenant une extension du Musée de la culture populaire, qu’il est possible de visiter. Le public peut également s’inscrire en groupe pour une visite-expérience, ce qu’ont fait 19 étudiants du Cégep accompagnés par deux enseignants, le 22 février dernier.

Une formule de type « prisonnier d’un jour » simple, mais efficace

L’expérience est une simulation lors de laquelle les visiteurs endossent le rôle de détenus pour quelques heures dans l’ambiance carcérale de 1960. Les gardiens sont incarnés par des comédiens qui traitent le groupe avec toute la rigidité de l’époque, sans les sévices corporels.

Les prisonniers doivent se prêter aux différentes étapes du processus d’admission comme le tri, l’identification, la prise d’empreintes et la fiche d’incarcération. Entre les « moments de théâtre » le groupe a droit à une visite, animée par d’anciens détenus ou des agents correctionnels de l’établissement. Les visiteurs passent également la nuit en prison et déjeunent sur place. Les comédiens font ensuite un bilan avant de remettre la fiche d’incarcération en souvenir.

Outre son aspect spectaculaire, la visite se veut un lieu d’échanges entre les guides et les visiteurs qui, au-delà des connaissances historiques, peuvent entendre le témoignage d’un ex-détenu, en apprendre plus sur la réalité de la vie d’un agent correctionnel et expérimenter le quotidien d’un prisonnier.

Les étudiants du Cégep ont également eu droit à une petite leçon de sécurité sur les médias sociaux. L’enseignant Pierre-Philippe Lefebvre (PPL) explique : « un des guides a puisé des photos sur les profils Facebook des étudiants pour les montrer à tous, en servant des conseils pour se prémunir contre la prédation. »

Pourquoi organiser cette activité pour nos étudiants?

« L’idée d’être bousculé dans un contexte hostile a comme objet de tester l’humanité de chaque personne. Une des visées implicites de l’expérience est de provoquer une prise de conscience des prédispositions, des forces, des faiblesses et de l’état de chacun devant un traitement injuste et brutal. Après seulement quelques heures, on se retrouve parfois très troublé et il est commun que les comportements de chacun se transforment. C’est dans cette zone grise que la prise de conscience s’opère. » – PPL

L’expérience est éprouvante et démontre la fragilité et la vulnérabilité de l’être dans un contexte déshumanisant.

« La prison et les gardiens peuvent posséder le corps, mais que reste-t-il alors de la personne? À travers le passage dans un système froid et imparfait, que reste-t-il de l’humanité? […] Avec l’introspection, il est probable de découvrir que l’on n’est pas une aussi bonne personne que ce que l’on croyait, mais qu’en est-il des étudiants après 12 heures de détention? Rêvent-ils de dénoncer les autres? De devenir un gardien et de se venger? De se mettre en boule? De serrer un autre détenu contre son cœur ou de se moquer de la dernière du groupe qui se fait toujours traiter de « conne » par les gardiens?

Nos étudiants s’en sont bien tirés, ils ont fait preuve de dignité et sont demeurés solides les uns pour les autres. Chaque fois que nous sommes les témoins du dépassement d’une personne pour les autres, c’est profondément touchant.

C’est l’étudiante qui se place devant celle qui craque de plus en plus sous le regard des gardiens, c’est ce jeune homme qui prend la place d’une fille dans sa punition, c’est la main sur l’épaule d’une personne qui est la risée des gardiens, un regard hasardé en cachette, un sourire rapide avant de suivre une consigne. Et c’est aussi l’humanité du gardien, si maladroit, qui tente de passer parfois un message pour conscientiser les visiteurs aux responsabilités collectives de chacun.

Quelle joie de voir que dans cette petite étudiante frêle et timide se trouve un géant d’humanité prêt à couvrir les autres! Que derrière la façade du jeune homme brutal se cache une personne tendre et touchante capable de rassurer les autres… Pendant toute la session, une personne toute discrète en classe, pendant un moment, devient plus lumineuse qu’une étoile pour les autres.

Voici donc ce qu’est l’intérêt caché de faire la visite en groupe. Pour des moments comme ceux-là. » – PPL

Pierre-Philippe souligne quelques faits saillants de l’édition 2019

  • Dès l’arrivée, une étudiante est surnommée Miss Poubelle et doit traîner une poubelle « comme on traîne un ami », pendant toute la visite jusqu’au déjeuner du lendemain matin.
  • Pour avoir répliqué au gardien, un élève est surnommé Langue sale.
  • Un autre a mis trop de temps à porter / récupérer ses effets personnels et est obligé de porter son sac à dos pendant les heures que dure la visite.
  • Plusieurs étudiants ont passé de longues minutes dans la position de la chaise, souvent pour des raisons arbitraires.
  • Les gardiens ont semé le désordre avec des fouilles dans plusieurs chambres au coucher.
  • Les garçons ont passé de longues minutes à tenir les cabarets de déjeuner au-dessus de leur tête pour payer pour l’indiscipline des filles.

Un gros merci au département des Sciences humaines pour son soutien, ainsi qu’à la Fondation du Cégep pour sa contribution financière.